Paul BERT
Comme de nombreux établissements scolaires et rues du territoire national, un quai, une école et même tout un quartier portent son nom à Tours.
Paul Bert est-il pour autant mieux connu en tant qu'homme politique ou comme savant ? Et qui se souvient de ses théories raciales ?
L’homme est né Auxerre le 19 octobre 1833 dans un milieu janséniste, mouvement qui fut d'abord religieux puis politique et qui se développa aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il entre à l'École polytechnique avec l'intention de devenir ingénieur mais il ne sera pas diplômé.
Licencié en droit en 1856 et en sciences naturelles en 1860 puis docteur en médecine en 1863, Paul Bert devient en 1864, préparateur de Claude Bernard au Collège de France. Docteur ès sciences en 1866, il enseigne la zoologie et la physiologie (1) à la faculté des sciences de Bordeaux où il est le plus jeune professeur de France.
De retour à Paris l'année suivante, il remplace Flourens à la chaire de physiologie comparée au Muséum d'histoire naturelle. En 1869, il succède à Claude Bernard à la Sorbonne. Il devient membre de l'Académie des sciences en 1882.
LE POLITIQUE : "Libérer l’école, c’est achever la plus belle des conquêtes de la Révolution française."
Paul Bert a laissé sa marque dans trois domaines : l'Instruction publique, son domaine de prédilection, les cultes et les colonies.
Avec Jules Ferry, il est le père fondateur de l'école gratuite, laïque et obligatoire, il impose par la loi du 9 août 1879, la création d'au moins une École Normale de garçons mais aussi de filles par département, pour la formation des hussards noirs.
Mais le savant est sans doute plus connu que l'homme politique dont l'action dans le domaine de l'instruction a été sans doute occultée par celle de Ferry. Cependant, député républicain, il devient ministre de l'Instruction publique et ministre des Cultes du gouvernement Gambetta du 14 novembre 1881 au 30 janvier 1882.
Bien que ministre des Cultes et donc garant de la protection de l'État vis-à-vis des religions, il se consacre à la lutte contre le cléricalisme. Il est membre de plusieurs sociétés de libres penseurs dont la plupart se sont créées au début des années 1880, comme l'Union de propagande anticléricale qui regroupe des athées matérialistes tels que Maria Deraismes ou Victor Schoelcher.
Sa carrière politique se termine au Tonkin et en Annam en tant que Résident général. Il arrive à Hanoï le 8 avril 1886, il y meurt du choléra 7 mois plus tard, le 11 novembre 1886. Ses funérailles nationales civiles provoquent un scandale chez les cléricaux. Paul Bert est un libre penseur parce qu'il est, selon la formule d'Albert Bayet, un "partisan du libre examen de tout".
Il oppose la science à la religion, considérant que ces deux systèmes de valeurs et de croyances sont antagonistes. Il écrit : "Avec la science, plus de superstitions possibles, plus d'espérances insensées, plus de ces crédulités niaises, de ces croyances aux miracles, à l'anarchie dans la nature." Adepte de la science expérimentale, il refuse de s'intéresser aux questions de l'existence de Dieu.
C'est donc essentiellement à la lutte contre le cléricalisme et à l'instauration de l'école laïque que Paul Bert a consacré ses actions politiques.
LE SCIENTIFIQUE : "Voici que la Science est venue donner un but à l'humanité".
Le nom de Paul Bert est associé à la physiologie de la plongée sous-marine. Il est le premier à décrire de façon systématique l'état de convulsion lié à la toxicité de l'oxygène sous forte pression partielle pour le système nerveux central dit "Effet Paul Bert". Il publie un ouvrage récapitulatif en 1878, La Pression barométrique, où il relate différentes expériences sur les manifestations causées par les variations de la pression atmosphérique et de la pression d'oxygène sur l'être humain, et ce, à l'aide d'un caisson étanche de grande taille, pouvant contenir un homme. Il détaille ainsi les effets du manque ou du trop plein d'oxygène.
Il va appliquer ses connaissances à la réalisation d'un scaphandre muni d'un régulateur de pression. Il travaille également, durant les années 1870, sur les gaz anesthésiants.
En 1874, il prépare les aéronautes Joseph Croce-Spinelli et Théodore Sivel à une ascension en ballon à 7 300 m d'altitude.
L'année suivante, alors que les deux aéronautes se lancent dans une nouvelle ascension en compagnie de Gaston Tissandier, ils ne reçoivent pas à temps une lettre de Paul Bert les informant que leur réserve en oxygène ne sera pas suffisante pour trois hommes.
L’ETHNOLOGUE : "Tous les hommes ne sont pas identiques à ceux de ce pays-ci".
Pour être impartial, il faut aussi préciser que membre actif de la Société d'anthropologie de Paris à partir de 1861, Paul Bert participe à la diffusion des thèses racistes de cette société, notamment quand il devient ministre de l'Instruction publique.
Il contribue à établir le paradigme racial républicain qui colorera la colonisation française de ses préjugés sur l'inégalité des races. Selon plusieurs historiens, dont Suzanne Citron (2) il aurait aussi participé à donner une orientation nationaliste aux manuels scolaires de la IIIe République, notamment les manuels d'histoire, de géographie et de français.
Paul Bert diffuse ses connaissances anthropologiques dans les manuels scolaires : "Les Nègres, peu intelligents, n'ont jamais bâti que des huttes parfois réunies en assez grand nombre pour faire une ville ; ils n'ont point d'industries ; la culture de la terre est chez eux au maximum de simplicité. Ce ne sont pas cependant les derniers des hommes. Il faut mettre après eux, comme intelligence, les petites races d'hommes qui habitent les régions les plus inaccessibles de l'Afrique […]. Bien au dessus du Nègre, nous élèverons l'homme à la peau jaunâtre [...]. Il a fondé de grands empires, créé une civilisation fort avancée [...] mais tout cela semble de nos jours tombé en décadence [...]. Mais la race intelligente entre toutes, celle qui envahit et tend à détruire ou à subjuguer les autres, c'est celle à laquelle nous appartenons, c'est la race blanche." (3).
NDLR : Bien entendu, aujourd'hui, on ne saurait adhérer à ces théories, il serait en effet anachronique de juger des écrits de cette époque à l'aune des valeurs du XXIe siècle.
Ces manuels scolaires ont été pour certains réédités de 1880 jusqu'aux années 1930.
Président d'honneur, en 1833, de la Société pour la protection des colons et l'avenir de l'Algérie, il n'est pas question pour Paul Bert d'accorder des droits politiques aux indigènes. L'objectif de l’ancien ministre de l'instruction publique est d'adapter l'enseignement au niveau culturel des populations, afin de former des auxiliaires de la colonisation. "Il faut placer l'indigène en position de s'assimiler ou de disparaître." (4).
(1) La physiologie (du grec nature et science) étudie les phénomènes physiques et chimiques subis par les organismes vivants au cours de leur vie. Elle traite également des activités basiques comme la reproduction, la croissance, le métabolisme et la respiration.
(2) Le mythe national Suzanne Citron Les éditions de l'Atelier.
(3) La deuxième année d'enseignement scientifique, édition Armand Colin, 1887, pages 91-93.
(4) Cité dans La République raciale, Carole Reynaud Paligot, p. 140-141.