Joseph Marie JACQUARD
Au nord de la Loire, reliant la rue Losserand au quai Paul-Bert, une courte et étroite artère jouxte presque l'ex-manufacture de soierie des Trois Tours.
Elle porte l'inscription : RUE JACQUART Mécanicien 1752-1834
En fait, Joseph Marie Jacquard (avec un d) est né à Lyon le 7 juillet 1752 dans une famille de tisseurs. Son père est un canut "maitre-fabricant" en étoffe d'or, d'argent et de soie, qui possède trois métiers à la grand tire.
Il est le cinquième enfant d'une famille qui en comprendra neuf, mais dont deux survivront, lui et sa sœur Clémence.
On croit savoir qu'il travailla durement chez son père comme tireur de lacs, mais ce dont on est sûr c'est qu'à la mort de sa mère en 1762, il quitte son père pour apprendre et exercer plusieurs activités : relieur, imprimeur, coutelier…
En 1778, son père meurt et lui, qui contrairement à la tradition, refusa de prendre la suite, hérite de l'atelier paternel. Son activité, dès lors, est mal connue de ses biographes. Certains le disent propriétaire d'une fabrique prospère, puis ruiné. D'autres prétendent qu'à la mort de son père, n'ayant pas l'âge requis, il lui faut attendre pour devenir maître-fabricant. Tous se rejoignent pour écrire qu'il a des dettes, qu'il épongera en vendant une partie de l'héritage. Dans les années 1780, Jacquard n'habite plus Lyon, on le retrouve comme chaufournier (ouvrier exploitant un four à chaux) en Bresse (ou en Bugey).
La légende semble avoir noirci cette période peu documentée de sa vie, la réalité paraît tout autre, même s'il existe des périodes difficiles. En effet, sa femme qu'il a épousée le 26 juillet 1778, hérite de sa mère en 1784 d'une maison et d'autres biens fonciers. De plus la sœur de Jacquard, qui dirige l'imprimerie après la mort de son mari est très proche de son frère.
En 1791, il habite à Lyon dans un immeuble de la rue de la Pêcherie. Redevenu tisserand, comme son père, il recherche un mécanisme susceptible de lever automatiquement les fils. Dans le même temps il est séduit par les nouvelles idées en cours et, lors du soulèvement de Lyon en 1793, il participe à la défense de la ville en tant que sergent. Après le siège, pour échapper aux dénonciations, il s'engage sous un faux nom dans l'armée révolutionnaire et combat en Alsace sous le commandement de Hoche et Pichegru.
Ensuite c'est à nouveau une zone d'ombre dans la vie de Jacquard. On le retrouve à Lyon en 1795, mais que fait-il ? Est-il redevenu ouvrier tisseur ou fabrique-t-il des chapeaux de paille avec son épouse ? C'est l'aspect présenté à l'époque afin de valoriser les biographies ouvrières. Au contraire, il semblerait qu'il soit un bourgeois propriétaire puisqu'il se désigne lui-même rentier en 1797.
Si cette partie de sa vie est peu documentée, la figure de Jacquard "artiste mécanicien" qui chaque nuit étudie la mécanique et teste sur des métiers des améliorations techniques, ne va se découvrir qu'au moment où il revendique ses inventions.
En 1800, il dépose son premier brevet concernant une machine destinée à remplacer le tireur de lacs. Chaptal ministre de l'intérieur, accorde à Jacquard le droit pour 10 ans de fabriquer et vendre cette machine dans toute l'étendue de la République. Cette première création ne fonctionne pas bien et il abandonne son brevet.
Deux plus tard, il invente un métier pour faire des filets de pêche qu'il présente à Paris à la Société d'encouragement à l'industrie nationale. Au cours de ce séjour parisien, c'est l'occasion pour Jacquard d'étudier le métier automatique de Vaucanson. Il faut rappeler que ce dernier est un mécanicien de génie qui a déjà conçu plusieurs machines destinées à améliorer le moulinage, le tissage et l'apprêt des tissus. Vaucanson avait également étudié et proposé en 1748, un métier automatique permettant de se passer aussi bien du tireur de lacs que du tisseur.
En 1804 Jacquard revient à Lyon avec les plans de la mécanique de Vaucanson. Avec le concours d'autres fabricants et associant également des travaux antérieurs des aiguilles de Bouchon, des cartes de Falcon et du cylindre de Vaucanson, il va procéder à des transformations. La principale consiste à substituer au cylindre un parallélépipède carré sur lequel vient se plaquer le carton perforé à chaque coup du métier par un jeu complexe de poulies et de contrepoids.
En fait le système fonctionne de la manière suivante : mis en rotation, le carré présente une face recouverte d'un carton. Quand les trous coïncident de part et d'autre, les aiguilles s'enfoncent. Au contraire, les pleins de la carte repoussent les aiguilles, et ce recul provoque la chute des crochets correspondants, pris dans les boucles. Dès lors, on peut lever la traverse ne retenant plus que certains crochets, ceux-là mêmes qui vont soulever les fils de chaîne. Les perforations de la carte commandent ainsi l'enfoncement des aiguilles, la sélection et la levée automatique de ces fils, entre lesquels doit passer la navette.
Il ne faut pas oublier que l'arrivée de ce métier sera mal reçu par les canuts qui voient en lui une cause possible de chômage, mais la mécanique Jacquard finira par s'imposer quelques années plus tard : 2885 métiers Jacquard tournent en 1834, à la Croix-Rousse. Il y en aura jusqu'à 20.000 à la fin du XIXe siècle.
Dans la continuité de ses prédécesseurs, Jacquard est arrivé au bon moment pour combiner les améliorations et mettre au point le métier qui porte son nom et c'est au début du XIXe siècle qu'il acquiert une notoriété nationale.
En 1805, le 12 avril, Napoléon et Joséphine visitent le palais St-Pierre où la mécanique et le métier à filet de Jacquard sont exposés. A partir de cette date, il accumule les honneurs et récompenses et le 27 août de la même année, il reçoit, de la part de l’Académie de Lyon, le prix des inventeurs.
L'année suivante, la ville de Lyon lui offre une rente viagère de 3 000 Francs ; en contrepartie, toutes ses inventions tombent dans le domaine public. Pourtant, au même moment, Jacquard semble se désintéresser des ateliers et en 1808, seules cinquante-sept mécaniques ont été construites. Ses relations avec la ville s'enveniment sur la question du paiement de sa rente. La ville qui a spéculé sur son activité inventive, est en effet fort déçue de son attitude mais, craignant que Jacquard n'aille se mettre à disposition de quelques concurrents, elle continuera à payer sa pension.
Il sera fait chevalier de le Légion d'honneur le 17 novembre 1819.
Il réside souvent dans la localité d'Oullins profitant du "Clos Fleury" sa maison de campagne. En 1826, il sera conseiller municipal de cette commune.
Son invention marque les prémices de la révolution industrielle qui profitera à l'industrie du tissage, mais qui, rappelons-le, entraînera aussi une restructuration sociale difficile. Son métier, accusé de mettre des ouvriers au chômage, sera souvent évoqué comme l'une des causes de la révolte des canuts en 1831.
En 1832 le maire Prunelle fait réaliser pour la galerie de portraits des Lyonnais célèbres, celui de Jacquard par Jean-Claude Bonnefond. Ce portrait orne d’abord le bureau du président du Tribunal de commerce et ne rejoint le palais St-Pierre qu’en 1995. Jacquard meurt le 7 août 1834 à Oullins. Enterré le lendemain matin dans le cimetière de cette commune, un mûrier est planté au chevet de sa tombe. Le 10 septembre 1835, un monument à Jacquard est aussi élevé dans l’église de cette commune.
Enfin, le 16 août 1840 est inaugurée, place Sathonay à Lyon, une statue en bronze édifiée en son honneur. Déplacée en 1898 place de la Croix-Rousse, elle honore le "bienfaiteur des ouvriers lyonnais". Fondue en 1942, elle est remplacée après la dernière guerre par l'actuelle statue en pierre.
Le métier Jacquard, qui a inspiré le mathématicien anglais Charles Babbage est souvent présenté comme l'un des ancêtres de l'ordinateur.
Sources :
- Site Wikipédia Joseph Marie Jacquard
- Encyclopédie Larousse