Alexandre FAGUET

Comme il est écrit par ailleurs, cet historien méconnu a laissé une quantité de documents sur Saint-Symphorien et plus précisément sur le quartier Paul-Bert.

Le bénéficiaire de ces œuvres posthumes tiens à lui rendre hommage en présentant ci-dessous une partie de l’article paru dans « la Nouvelle République » du 11 mai 1982.

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Alexandre Faguet se définit lui-même comme un éternel étudiant et raconte qu’il a consigné les confidences des vieilles pierres de son secteur pour en faire part à un club de dames âgées.

« A la fin de l’exposé, il y en avait la moitié qui dormait » dit en rigolant l’orateur, qui n’en veut pas à son auditoire. Après tout, on a bien le droit de ne pas se passionner pour ces diables d’ostrogoths qui s’appellent Turons, Clovis, Wisigoths et autres Anglos-gascons.

A noter que les seuls à ne pas apparaître au détour de l’histoire du quartier sont justement les Ostrogoths. Comprend qui peut.

L’ennui avec le « Père Poule » (c’est son nom dans le quartier), c’est qu’on a autant envie de raconter son histoire personnelle que celle de son « village ». « Je suis né en 1902, avoue-t-il avec une coquetterie justifiée par un dynamisme qui n’a d’égal que la vivacité de son esprit. Moi aussi, à cent ans près, je peux dire « ce siècle avait deux ans...»

Notre Hugolien est né à Tours. Ingénieur des Arts et Métiers, il voyagera dans tout l’hexagone et en Afrique du Nord avant de revenir à Saint-Symphorien vivre « le reste de son âge», comme dit le poète. Le spécialiste de la métallurgie et de la fonderie s’est un jour réfugié à Alger pour échapper au S.T.O.

« J’ai vu le débarquement du 8 novembre 42 en pyjama.» Tout ça parce qu’un barbant exercice de défense passive avait duré un peu trop longtemps et qu’Alexandre et un de ses potes s’étaient aventurés dans les rues et sur la plage. « C’est bien imité», avait pense Alexandre en voyant courir les brancardiers. Tu parles...

Passons sur l’histoire contemporaine. M. Faguet fait dans l’ancien. Revenu en Afrique du Nord (cette fois au Maroc et par temps de paix), sa passion des vieilles pierres le reprend. « La mère Poule » se souvient encore avec douleur d’une expédition sous un soleil torride pour voir quelques ruines émergeant du sable.

Mais si les rapports entre les Celtes et les Berbères passionnent notre homme, les Turons ne le lâchent pas : « J’étudiais l’archéologie berbéro-arabe sur place et la Touraine par correspondance !».

Il faudra attendre la retraite en 1967 pour qu’il remette le pied sur sa terre natale et le nez dans les bouquins...

Pas ceux de la bibliothèque « Il y a des chouchous chéris des bibliothécaires qui ont droit à des livres que l’on ne prête pas aux autres». D’où un capharnaüm interdit au plumeau de dame Faguet: « Ma turne, c’est un véritable foutoir à bouquins, une piaule d’étudiants! »

On y trouve aussi des trésors, mais nous y reviendrons plus loin. Pour le moment intéressons-nous au quartier : « Saint-Symphorien, c’était autrefois un petit village». Au cadran solaire de l’histoire, celle de Saint-Symphorien commence en l’an 400, lorsque les Turons fondèrent « Briga », alias Village haut .

La suite ? Elle compte nombre de grandes dates : 510 Clovis à Tours ; 853 les Normands de Hasting ;

1034-1070 le premier pont de pierre d’Eudes de Blois ; 1589 bataille des ponts de Tours pendant les guerres de religion, etc.

Bien d’autres encore, qui sont étoffées chacune par un long et détaillé chapitre signé Alexandre Faguet. Vous les lirez peut-être un jour : « Je suis allé chez mon ami Robert, le coiffeur du quai Paul-Bert. II cherchait un moyen de retenir les gens à Saint-Symphorien parce qu’il en avait marre de voir tons ses copains ficher le camp. Alors, Il a pensé qu’en faisant s’intéresser les habitants du quartier à son histoire, c’était peut-être un moyeu de le faire revivre».

Seulement voilà. Passer les feuillets verts calligraphiés de main en main, est une chose. Pouvoir les éditer en est une autre. Or si la bonne volonté est au rendez-vous, le nerf de la guerre est long à la détente. Et pour le moment la « plaquette » reste au stade du manuscrit.

Alexandre Faguet, homme de plume : les dictionnaires ne retiendront pas cette définition. La mémoire de saint Symphorien non plus, Elle aura tort. Ecrivain, Alexandre Faguet manie aussi la plume à dessiner. Au long de ses murs, entassés dans des cartons, classés, répertoriés, près de deux mille dessins sont autant de regards superbes sur la Touraine.

L’ingénieur y a mis l’exactitude, l’artiste y a apporté son cœur. Trop discrets, ces travaux (ils n’ont été exposés que quelques trop rares fois), plumes rehaussées d’aquarelles « faites à la maison » feraient pâlir de jalousie bien des artistes orgueilleux.

Saint-Symphorien y a sa part : messieurs les animateurs du quartier, il y a là un trésor. Ne voudriez-vous pas le déterrer ?

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Eh bien, Monsieur le journaliste, malgré le temps qui passe, c’est fait ! Alexandre Faguet et son ami Robert peuvent être satisfaits là où ils sont désormais, ce site profite en effet du savoir du « Père Poule ».