La visite de l'Impératrice Joséphine de Beauharnais

Le contexte historique

 

En novembre 1806, en réponse à l'attitude britannique vis-à-vis des bateaux de commerce français, Napoléon décide d’établir un Blocus continental à l’encontre de l’Angleterre. Il s’agit d’asphyxier l’île  en l’empêchant d’exporter ses marchandises. Cette décision fait suite à la rupture de paix attribuée aux Anglais et qui a abouti à la bataille de Trafalgar et à la perte de colonies.

 

Pour poursuivre l'isolement de l'Angleterre, Napoléon se tourne vers le Portugal, allié des anglais, afin de  fermer les ports de ce pays au commerce britannique en lançant une offensive contre les Portugais. Pour ce faire il demande au souverain espagnol l’autorisation de traverser son territoire.

 

Le 27 octobre 1807, la France et l’Espagne signe le traité de Fontainebleau. Napoléon et Charles IV prévoyant ainsi le prochain dépècement du Portugal. Le général Junot, avec ses troupes, traverse l’Espagne. Le 19 novembre 1807, Junot arrive au Portugal et 21 jours plus tard, l’armée française entre dans Lisbonne. 

 

Napoléon commence alors à se mêler des affaires espagnoles. Sous prétexte d’envoyer des renforts à Junot, il fait entrer en Espagne une armée commandée par Murat. Au même moment, un coup d’État dirigé en sous-main par l’infant Ferdinand, renverse le roi Charles IV dont l’intention était d’abandonner ses Etats et de faire cap vers le Nouveau Monde. 

 

Ferdinand, devenu Ferdinand VII, prend le pouvoir. Le roi déchu demande l’arbitrage de Napoléon. Celui-ci convoque le père et le fils à la conférence de Bayonne (avril-mai 1808). 

 

C’est donc en se rendant dans cette ville que l’Impératrice Joséphine, qui accompagnait l'Empereur, s'arrête à Tours. 

 

Dans le ton du langage de l'époque 

 

A Philippon, s'appuyant sur les registres municipaux (vol.XXXV, fos 43 et 68), rend compte de cette escale impériale : 

 

"Le 7 avril 1808, une estafette annonçait que "Sa Majesté  l’Impératrice Reine" arriverait dans la soirée à Tours et passerait la nuit à l’hôtel de Luynes. Le plan  prévu pour la réception des souverains se déclenchait aussitôt. 

 

Dans l’après-midi, Mgr le sénateur archevêque de Tours, M. le préfet et la garde d’honneur à cheval se portaient à une assez grande distance de la barrière par laquelle S.M. devait entrer dans la ville. Quand les voitures arrivaient à hauteur de ces messieurs, elles s’arrêtaient. Alors le sénateur archevêque et le préfet présentaient leurs premiers hommages à l’impératrice qui était accompagnée de sa maison, Mmes Muret et de Montmorency-Matignon, dames de son palais, MM. de Beaumont et Dumanoir, ses chambellans,  Ordener, son premier écuyer. Puis la garde d’honneur à cheval encadrant la voiture impériale suivie de celles de l’archevêque et du préfet escortait le convoi jusqu’à la barrière. Là, attendaient Deslandes et sa municipalité, la garde d’honneur à pied, la garde nationale et les musiciens de la Ville qui - les voitures ayant ralenti - grossissaient le cortège et l’accompagnaient jusqu’à l’hôtel de Luynes. 

 

La réception protocolaire 

 

Il était six heures. Et les réceptions commençaient presque aussitôt selon le protocole en usage. Se présentaient successivement le général de division Bonnard, Mgr de Barral, le préfet, MM. d’Harambure et de Contades, le législateur de la Mardelle, enfin Mme Lambert, la préfète. 

 

Et que devient notre maire ? Le voici, accompagné de ses adjoints, qui s’incline et sollicite que Sa Majesté daigne lui accorder la permission - qui lui est aussitôt concédée - d’introduire auprès d’"Elle quinze jeunes demoiselles des principales familles de ta ville." Elles  sont tout de blanc vêtues, ces élues, et portent des corbeilles élégamment ornées et remplies de fruits et de fleurs qu’elles offrent respectueusement à Sa Majesté au nom de la Ville de Tours - petite revanche sur le protocole - après que l’une d’elles ait prononcé ce compliment : 

 

Madame.

 

Elevées loin du faste et des grandeurs, l’expression  de notre hommage est aussi simple que pure ; nous sommes entraînées vers Votre Majesté par cette réputation de bienfaitrice qui la précède partout ; nous la regardons sans crainte et nous éprouvons près d’elle une impression bien douce, celle d’un amour mêlé de respect. Mes compagnes, Madame, osent se flatter comme moi que Votre Majesté ne dédaignera pas notre offrande; il lui en coûterait trop de prononcer un seul mot qui n’eût pas le caractère de bonté et de grâce parfaite qui lui rendent si naturel l’art de captiver les cœurs. 

 

Sa Majesté, en accueillant avec la plus grande bonté l’hommage de ces jeunes filles, a daigné leur répondre qu’elle le recevait avec intérêt, et qu’elle leur portait l’affection d’une mère ; elle s’est fait dire leurs noms par M. le Maire, et l’a chargé de lui en remettre la liste. 

 

Cependant, dans la cour de l’hôtel, la  musique exécutait des airs qui ont paru plaire à Sa Majesté. A plusieurs reprises, Joséphine se montrait aux fenêtres donnant sur le quai et dans la cour de l’hôtel. Une  foule immense s’était rassemblée dans   l’espoir de jouir de la vue de Sa Majesté ; à peine Sa Majesté a-t-elle été aperçue que tes cris de Vive l’Empereur ! Vive l’Impératrice ! Vive Napoléon ! Vive Joséphine ! éclatant de toutes parts et longuement prolongés ont prouvé à Sa Majesté combien le bonheur de la posséder électrisait tous les habitants de cette ville, combien étaient sincères les acclamations qu’excitait sa présence. 

 

Que les grands de ce monde sont parfois à plaindre... sinon toujours ! 

 

L’on ne sait si Joséphine dîna, puisqu’elle daignait encore admettre ensemble quelques personnes de la ville à qui elle avait "accordé la permission de lui rendre leurs respects", chacun se retirant enchanté de la grâce admirable de cette princesse adorée." Ni si elle dormit bien : la ville était illuminée. Et longtemps, avant de monter dans sa voiture, à 7 heures, elle avait "la bonté de donner audience à plusieurs membres des autorités dont quelques-uns n’avaient pu lui être présentés le jour de son arrivée." 

 

Enfin, ayant laissé espérer que Napoléon s’arrêterait à Tours lorsqu’il reviendrait à Paris, elle reprit la route. "La garde d’honneur à cheval a escorté l’impératrice aussi loin que Sa Majesté a bien voulu permettre qu’elle lui donnât cette marque de zèle et d’amour pour sa personne."