La manufacture des Trois Tours

Entre le quai Paul-Bert et la rue Losserand se dresse le grand bâtiment de la manufacture des"Trois Tours"(Le Manach). C’était une fabrique de tissus d’ameublement à base de soie.

A l’origine, les"Trois Tours"ont été fondées en 1829 par Eugène Fey et Charles Martin, dans l’ancienne hostellerie du Lion d’or, datant du XVIIIe siècle, où jusqu’en 2009, date de sa fermeture, se succéderont :

FEY & MARTIN, 1829-1875

DEMONTE & POIRIER, 1875-1898

COMBE & DELAFORGE, 1898-1906

COMBE, DELAFORGE & LE MANACH, 1906-1919

GEORGES LE MANACH, 1919-1955

MANUFACTURE DES TROIS-TOURS ou " GEORGES LE MANACH " depuis 1948.

C’est après avoir effectué de longs stages dans des soieries lyonnaises que deux entrepreneurs,  Eugène Fey, fils d’un notaire de Sorigny, et Charles Martin s’associent pour créer cette fabrique, encouragés par le développement de la mécanique Jacquard. A l’aide de ces nouveaux métiers, ils envisagent de fabriquer des tissus d’ameublement en soie et pour ce faire ils se rendent acquéreurs de plusieurs propriétés du faubourg dont l’hostellerie du Lion d’or.

L’entreprise spécialisée dans les articles de luxe, prospère très vite et en 1853 les bâtiments s’avèrent trop étroits. C’est alors la construction en bordure de la rue Losserand d’un nouvel édifice industriel le"grand atelier", conçu sur trois niveaux pour accueillir 80 métiers à tisser.

 

L’entreprise obtient de nombreuses distinctions pour la qualité de sa production, que ce soit la restauration, la reproduction de pièces anciennes ou encore des réalisations contemporaines dans des largeurs comprises entre 55 et 165 cm.

Damas, velours de Gênes, brocarts, brocatelles, lampas, ainsi que les unis, tels que taffetas, gros de Tours, velours, moires, satins représentent l'essentiel d’un travail dont l'originalité et la beauté, en particulier celles des motifs, sont récompensés régulièrement lors des différentes expositions universelles du XIXe siècle. C'est ainsi qu'on relève dans le rapport officiel établi à l'issue de l'Exposition Universelle de Paris de 1857"une grande pureté  et un cachet particulier de bon goût aux nombreuses productions de la Fabrique de Tours. "

 

En une dizaine d’années, de 1844 à 1855 le nombre de métiers passent de quatre-vingt à deux cents.

En 1856, Fey et Martin s'associent à Léopold Eude et Antoine Vieugué, négociants parisiens en étoffe de soie. Mais bientôt vont se faire sentir les effets de plusieurs crises internationales : ne resteront plus alors qu’une vingtaine de métiers. En 1870, lorsque la France déclare la guerre à la Prusse, la fabrication est quasi interrompue, les ouvriers sont sous les drapeaux.

 

En 1875, lorsqu’Ernest Demonté, juge au Tribunal de commerce de Tours et ancien dirigeant d’une manufacture dans le Nord, associé à M. Poirier, négociant parisien, reprennentla manufacture de Fey et Martin, deux métiers seulement fonctionnent. Les nouveaux propriétaires orientent alors la production vers des articles de fantaisie, moins chers et la prospérité revient. 

Dans le même temps, Demonté remet au goût du jour des étoffes anciennes des XVIIIe et XIXe siècles. Il s'associe avec Albert Combé et Emile Delaforge qui ont en charge la vente à Paris et à l'étranger de ces fabrications. Très active la société devenue Combé et Delaforge acquiert une renommée internationale et participe aux expositions universelles de 1900 et 1904.

 

Auparavant, en 1890, deux cents tisserands, dit-on, travaillent sur le site. Il faut de nouveaux locaux. Les associés font construire rue Losserand un bâtiment appelé "la nouvelle" en fer et en brique, long de quarante mètres et onze mètres de haut pour recevoir au rez-de-chaussée les cartons Jacquard et une trentaine de métiers à l’étage.

 

Le samedi 3 mai ce nouveau local est inauguré et le samedi suivant, deux cent quarante collaborateurs sont conviés, par M. Dumonté, à une journée de fête organisée dans le style paternaliste de ce temps.

(Voir extrait du livre inaugural.)

En 1906, Georges Le Manach épouse Madeleine Démonté, fille aînée d'Ernest. Il est associé au capital. Cet "employé de commerce", entré dans la société en 1895, a rencontré sa future femme lors de ses déplacements professionnels à Tours, où il était reçu à la table du patron. Il rachète en 1919 toutes les parts de l'entreprise, donne son nom à la firme et en 1925, il ouvre le magasin de vente de la rue du 4-Septembre, dans le 2e arrondissement de Paris.

L'histoire se répète en 1927 : Jacques Gaume, entré dans l’entreprise comme vendeur à Paris trois ans plus tôt, épouse Yvonne Le Manach, la fille de Georges et Madeleine qui reprend l’affaire en 1955.

 

Yvonne Le Manach restera aux commandes jusqu'en 1988 Ses deux filles lui succèdent : Gilberte, qui fut un temps la secrétaire de son grand-père, devient P.D.G .secondé par Bernard Macaire, son époux et Anne, directeur général. Deux ans plus tard, Olivier Biosse Duplan, né en 1966, fils aîné d'Anne, entre dans la société en tant qu'attaché de direction, puis devient en 1996 directeur général et associé.

 

La manufacture Le Manach dite aussi "Les Trois Tours" a réalisé des commandes pour l’Élysée, le Mobilier National, l’Opéra de Paris, les ministères mais aussi pour l’étranger, le Palais Royal de Bruxelles, le musée Getty (Los Angeles), la Salle du Conseil de Riyad, le Palais Grand-ducal de Luxembourg, le Palais de Sans-Souci à Potsdam…

 

Dans le même temps, la manufacture proposait un nombre toujours croissant de tissus imprimés à la planche ou au pochoir, comme en témoignent le salon bleu de Louise de Vilmorin à Verrières ou la chambre de George Sand au château de Nohant.

Les réalisations les plus prestigieuses des "Trois Tours" se trouvent surtout au sein des monuments historiques tels que le salon-boudoir du roi de Rome au château de Compiègne, les salons chinois de l'impératrice au château de Fontainebleau, ou le cabinet et la chambre de Mme Fouquet, à Vaux-le-Vicomte, mais aussi à la Malmaison, au château de Loches, à celui de Pau, aux Hospices de Beaune et au musée des Arts décoratifs…

 

L'arrivée de métiers beaucoup plus modernes, mais également plus bruyants, ayant créée des conflits avec les habitants voisins et afin de poursuivre l'évolution de l'entreprise la décision de délocaliser est alors été prise. Olivier Biosse Duplan s’installe, en 2009, dans la zone industrielle Saint-Malo sur la commune d’Evres dans un bâtiment loué. Quant aux locaux de Tours, ils sont mis en vente et sont acquis par la S.E.T. (Sociéte d’équipement de la Touraine).

Qu'en fera-t-elle ? Affaire à suivre…

 

Le 31 mars 2013, l’entreprise Georges Le Manach est vendue à la société "Pierre Frey" également fabricant et éditeur de tissus d’ameublement depuis 1935.

 

Sources :

 

Anquetil Jacques La soie en occident (1995) Paris, Flammarion.

Abbé Bossebœuf Histoire de la fabrique de soierie à Tours, des origines au XIXe siècle, Imprimerie P.Bousrez, Tours, 1901.

 

Haack J.-P. La fabrique de soieries tourangelles de 1850 à 1914, mémoire de maîtrise, Tours, Université François Rabelais, 1996-97.

http://magazine.pierrefrey.com/?p=5102