Histoire du quartier Paul-Bert

5 - au XVIIIe siècle

Ce fut un peu le "Grand siècle" pour le quartier.

Bien que la fabrication de la soierie et le tissage alternent entre prospérité et déclin, c'est toujours les hostelleries, les entreprises de roulage et les services de diligences qui emploient la main-d’œuvre locale.

Le XVIIIe siècle fut celui de la prolifération, aux environs de Tours, des "folies", ces résidences secondaires de notables, aux distractions plus ou moins légères, de cette époque dite libertine. Beaucoup d'entre elles ont disparu, mais il en reste encore un assez grand nombre, dont les noms des créateurs et propriétaires ont souvent subsisté en lieux-dits : Belmont, Groison.

C’est toujours pendant ce siècle que Pierre du Cluzel, intendant de la généralité de Tours, nommé grâce à l'appui du duc de Choiseul, avant l'exil doré de ce dernier en Touraine, lança sa géniale idée du "Grand Tours".  En collaboration avec des ingénieurs royaux des Ponts-et-Chaussées : Mathieu de Bayeux. Trudaine, intendant Général des Finances, responsable des Ponts-et-Chaussées, coordonnera  les opérations depuis Paris car ces travaux entrent dans  la projet du nouveau tracé de la grande route d'Espagne en franchissant la Loire à Tours.

Le plan présenté par l'ingénieur Bayeux en 1743, sera approuvé par Trudaine. Les travaux commenceront quelques années plus tard, réalisés par tranches, en quatre chantiers sur lesquels travaillera une main d'œuvre  en partie militaire.

 

Sur la rive droite, une section large de trente mètres entame le coteau : c'est la Tranchée, qui sépare désormais les domaines de la Croix-Montoire et de Boisdenier d’origine gallo-romaine.

Quatre pavillons d'octroi à dômes de pierre reliés deux à deux par des murs en arc de cercle marquent l'entrée de la ville.

 

Avant la construction du grand pont Choiseul, qui dura de 1765 à 1779, il fallut canaliser la Loire. Cela nécessita la destruction de l’île Saint-Jacques. Il en coûta la somme de 3.578.000 livres de l’époque, la monnaie de Tours n’ayant cessé d’avoir cours qu’en 1772.

 

La terre récupérée des déblais du creusement de la Tranchée et de la démolition de l'île Saint-Jacques est déposée entre Saint-Julien et la Loire, ce qui explique ce point haut, ainsi que de l’autre côté du fleuve, donnant ainsi naissance aux quais que nous connaissons maintenant.

Le Pont Neuf est ouvert à la circulation en 1779. Ce pont, aujourd'hui appelé Pont Wilson ou pont de pierre, constitue l'un des ouvrages les plus importants qui ait été réalisé au XVIIIe siècle. Il devient vite l'un des éléments essentiels du paysage de Tours et les nombreuses gravures représentant la ville à la fin du XVIIIe et du XIXe siècle le choisissent très souvent comme axe essentiel de la composition.

Huile sur Toile par P. A. Demachy, 1787. Musée des Beaux Arts de Tours
Huile sur Toile par P. A. Demachy, 1787. Musée des Beaux Arts de Tours

Cinq années après l'inauguration du "Pont de pierres", la démolition du pont médiéval fut entreprise ; décision regrettée en janvier 1789, lorsque quatre arches du nouveau pont s'écroulèrent et ne furent reconstruites qu'en 1802. Entre temps, il fallut recourir à des moyens de fortune : bacs et pont flottant.

Ironie de l’Histoire : les quatre vasques Médicis encadrant le pont furent enlevées de la pagode de Chanteloup en 1798, bien après la mort de Choiseul.

 

Bien que nous devions à Choiseul les structures de l’actuel "Grand Tours", ce beau pont fut débaptisé après 1919 pour en faire un pont Wilson américain. Les Tourangeaux sont aussi ingrats que d’autres, mais il est vrai qu’ils avaient connu auparavant un autre Wilson, gendre de Jules Grévy et promoteur en décorations.

Quelques arches du pont médiéval restèrent à l’état de ruines romantiques au début du XIXe siècle.

La "Tranchée" entama le coteau dès 1757, séparant les domaines de la Croix-Montoire et de Boisdenier d’origine gallo-romaine.

 

C’est une seconde "rue Creuse", nom d’origine de la rue Groison, plus large, qui entaille le revers du plateau dans l’axe du nouveau pont. Cette voie n’était pas complètement terminée à la veille de la Révolution malgré les efforts de du Cluzel.

 

Lors de la Révolution, les biens ecclésiastiques devenus biens nationaux furent vendus. Ces biens du "Bon Coteau" étaient alors considérables, mais l’Eglise les récupéra par des dons et des legs successifs, dont elle reperdit la propriété en 1905, pour les récupérer à nouveau par la suite en majeure partie. Il subsista : le Grand Séminaire à Groison, les Capucins rue de la Pierre, les Clarisses rue du Pas Notre-Dame.

 

La percée de la Tranchée, favorisant les communications, contribua à l’essor du plateau. Peu à peu, le développement des activités se fit vers le Nord et l’ancienne rue principale du quartier, la rue Losserand, perdit son importance.

Cette voie, ancienne rue de Saint-Symphorien, devint vers le XV siècle le faubourg "Saint-Symphorien", puis les saints étant devenus indésirables, l'arrêté du 6 ventôse de l'an 6 la nomma rue du faubourg de la République, puis en en l'an 9 rue du faubourg Symphorien.

C’est le 10 août 1816 qu’elle redevient rue du Faubourg-Saint-Symphorien ; quant à l’arrêté municipal du 5 mars 1844, il la désigne comme étant la rue Saint-Symphorien. Depuis 1901, elle doit son nom actuel à Sigismond Losserand.

 

Sigismond Losserand vécut de 1845 à 1888. Il fut orphelin à 8 ans. Travailleur exemplaire, il créa en 1880 le premier syndicat d’ouvriers en limes, lequel devint "coopérative ouvrière" en 1882. Conseiller municipal, endeuillé cruellement par la perte des siens, malade et affaibli, il eut la douleur de connaître la dislocation de son œuvre, avant de mourir à Tours, en 1888.

 

Quant à Paul Bert (1833-1886), natif d’Auxerre, il fut le ministre de l’Instruction Publique et l’école du quai lui doit son nom.